Ils voyageaient la France by BARRET Pierre

Ils voyageaient la France by BARRET Pierre

Auteur:BARRET, Pierre [BARRET, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Étude historique
Éditeur: Hachette
Publié: 1980-01-01T00:00:00+00:00


La nuit a passé. Avec le nouveau jour se lève une nouvelle vie. « Et quand, du fond des bois, dit Boyer, les compagnons nous reconduisent chez la mère, nous nous sentîmes des hommes nouveaux, scandant allègrement les strophes de La Gloire qui faisaient s’entrouvrir les persiennes au passage. »

Mes chers coteries, je vais vous chanter la gloire

La gloire de tous les compagnons49…

C’est un chant anonyme du XVIIIe siècle, repris de génération en génération par tous les corps de métier sur tous les chemins du Tour. Mais pas une fois sans doute, Abel Boyer, le tout nouveau Périgord Cœur Loyal ne l’a chanté avec plus de conviction. Et il ajoute, personnellement, un couplet sur les couleurs qu’il a désormais le droit de porter :

Le vent fait flotter mes couleurs

Qui battent l’air avec tapage

Car ces beaux rubans, chers aux devoirants

bis Sont les fruits du Compagnonnage50.

(Ce qui ne l’empêchera pas, quelque temps après, d’écoper une amende de 3 F pour s’être présenté chez la mère sans la redingote et le gibus désormais réglementaires.)

Les grands rubans de soie, frappés de symboles, de textes et de figures, se portent en tenue d’apparat et, selon le métier et le rite, s’attachent au chapeau, au col, à une boutonnière de l’habit ou de la redingote, à la taille, selon un code aussi précis qu’impératif. Qu’un corps porte ses couleurs une boutonnière trop haut, et les autres auront vite fait de le rappeler à plus de modestie. D’après Perdiguier, les tailleurs de pierre, les charpentiers et leurs enfants les couvreurs portent les couleurs au chapeau. Les couvreurs les font flotter derrière leur dos. Les charpentiers les font tomber par-devant l’épaule gauche. Les tailleurs de pierre aussi, mais un peu moins bas51.

Des sociétés prétendent avoir un droit exclusif de porter certaines couleurs d’une certaine manière à un certain niveau, par exemple à la plus haute boutonnière. Une contestation peut durer des siècles, entraîner des rixes violentes ou se terminer par un compromis formel, comme celui qui intervint à Lyon en 1824 entre charrons et menuisiers52. La vertu de ces couleurs est telle qu’un blancher-chamoiseur qui, en 1876, s’en est servi en guise de cravate a été mis au renégat53 !

La symbolique des couleurs diffère aussi selon les sociétés. L’Ère nouvelle du Devoir, que fondera Toussaint Guillaumou, se choisit ainsi quatre grandes couleurs :

– la blanche, signifiant innocence,

– la bleue : accord des compagnons,

– la rouge : science,

– la noire : deuil,

et sept petites, correspondant chacune à une ville de devoir des cordonniers :

– la rouge : Paris, la gloire,

– la verte : Lyon, l’espérance,

– la blanche : Marseille, l’innocence,

– la jaune : Toulouse, l’aurore,

– la rose : Bordeaux, la gaîté,

– la bleue : Angoulême, fondation,

– la violette : Nantes, le printemps54.

Mais l’homme aux couleurs ne serait rien sans sa canne de compagnon, le plus important de son attirail rituel. Rappelant le jonc de maître Jacques, c’est à la fois signe de virilité, symbole de pouvoir ou de prise de possession d’un fief, crosse d’évêque, bourdon de pèlerin, houlette



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